A la suite de son père Marc, le jeune quadra Pierre-Henri Rougeot insuffle un vent nouveau à ce domaine familial murisaltien emblématique, au cœur de cette Bourgogne viticole du temps long, du respect des traditions, souvent marquée par le poids du passé et de l’histoire multiséculaire de la vigne en Côte d’Or.
Installée depuis une dizaine de générations sur les hauteurs du village de Meursault, la famille Rougeot a une histoire riche, peuplée de figures tutélaires qui auraient pu être intimidante. A commencer par le grand-père de Pierre-Henri, entrepreneur dans l’âme, qui s’est spécialisé, dans l’après-guerre, dans la restructuration du vignoble de Meursault, la remise en état des terrains viticoles et les campagnes de replantation.
En parallèle de ses activités dans les vignes, celles de la famille bien sûr qui possède alors 6 hectares, mais aussi pour le compte de ses voisins murisaltiens, il développe une entreprise de BTP et une autre d’ingénierie et de fabrication de matériel viticole, souvent très innovant. Il est ainsi à l’origine, avec quelques amis, de la construction du premier enjambeur qui va par la suite révolutionner le travail entre les rangs et remplacer les chevaux encore omniprésents à l’époque. Dans les années 1970, ce travailleur acharné n’hésite pas non plus à reprendre en fermage l’exploitation des 25 hectares de vignes du Château de Meursault. Son fils, Marc, arrivé au domaine en 1974, lui apporte bien sûr son aide précieuse pendant toutes ses années.
Depuis les années 1980, Marc Rougeot a ensuite patiemment assis la réputation de ce Domaine familial. Il a su saisir, au fil des années, quelques belles opportunités pour porter le patrimoine viticole à une douzaine d’hectares. A Meursault bien sûr, mais aussi à Saint-Romain, Monthélie, et, pour les pinots, du côté de Pommard. Adepte d’un certain classicisme, à la recherche de maturités très abouties, de raisins bien dorés, aux parfums riches et aux jus texturés, Marc élabore une gamme de blancs sensuels, denses et graissés, particulièrement appréciés dans les années 1990 et 2000.
Le jeune Pierre-Henri grandit au côté de ce vigneron respecté. C’est autour de 18 ans que le virus du vin le rattrape. Il se met alors à goûter beaucoup, d’abord avec son père et ses amis vignerons, puis dans d’autres régions. Il se découvre, à l’époque, un goût prononcé pour les vins de Châteauneuf-du-Pape, par exemple. Progressivement, le vin s’impose comme une évidence dans sa vie. C’est donc naturellement qu’il se dirige vers des études au lycée viticole de Beaune. Son grand-père étant encore très présent au Domaine, Pierre-Henri décide d’écouter les conseils de son père qui l’invite à vivre quelques expériences différentes avant de revenir au Domaine : la perspective de faire travailler ensemble, dans la concorde et l’harmonie, 3 générations différentes lui paraît en effet un peu compliqué…
Il va donc rouler sa bosse, d’abord dans le commerce des vins puis en travaillant pour un tonnelier. C’est là qu’il fait quelques rencontres marquantes qui vont l’aider à franchir le cap et lui donner définitivement envie de faire ses propres vins. Il cite volontiers comme source d’inspiration l’angevin Nicolas Reau, vigneron emblématique du renouveau ligérien, adepte de vins libres et vivants, débarrassés des oripeaux de la technologie et des intrants œnologiques pour mieux refléter la pureté originelle, l’énergie du fruit et l’identité du terroir. Des vins que l’on ne qualifie pas encore de naturel, mais c’est bien l’esprit que l’on recherche et que l’on trouve ici.
A partir de la fin des années 2000, Pierre-Henri propose à son père de venir l’aider au domaine au moment des vendanges et des vinifications. Ce travail à quatre mains se passe si bien que Marc suggère à son fils de prendre pleinement la responsabilité des vinifications dès le millésime 2010. Rapidement, Pierre-Henri fait des essais pour faire évoluer le style des vins, sans rien perdre de ce côté charmeur et gourmand qui a fait le succès des blancs du Domaine. Il se définit lui-même comme un « irréductible gourmand ». Il procède par petites touches, à la recherche du meilleur équilibre entre densité et fraîcheur, de cette vibration dans les structures de bouche qu’il aime tant. Pour les rouges, il va faire progresser la part de vendanges entières et réduire les temps de cuvaisons. Côté blanc, il pousse un peu moins les maturités à la vigne, cherchant à préserver de bonnes acidités tout en sachant attendre ce moment où le raisin a vraiment le goût du millésime et du lieu qui l’a vu naître. Il s’essaie également à ses premières vinifications sans soufre, qui deviendront, quelques années plus tard, l’une des « marques de fabrique » des vins signés Pierre-Henri Rougeot. Côté élevage, il reste fidèle aux fûts bourguignons et à des élevages longs (déjà chers à son père) : les vins profitent du deuxième hiver pour regagner en fraîcheur, en éclat et en profondeur. Il envisage d’ailleurs à l’avenir d’expérimenter des élevages encore bien plus longs comme le font certains vignerons dans le Jura, en particulier. On citera l’ami Jean-François Ganevat, bien sûr, avec des passages en fûts qui peuvent durer 3 voire 4 ans.
Nouvelle étape en 2017 où Paul-Henri lance ses premières cuvées sous son propre nom (et prénom !), en créant un micro-négoce qui lui permet d’aller au bout de ses idées et de se frotter à de nouveaux terroirs. Enfin, en 2019, il revient pleinement au Domaine familial, abandonnant définitivement son activité dans la tonnellerie. Entre temps, il a déjà convaincu son père de convertir le vignoble familial à la culture biologique, certifiée depuis 2020. Souhaitant aller plus loin dans la recherche d’une vérité du goût, sans entrave et habitée, il initie à la vigne des pratiques biodynamiques, jusqu’à la certification Demeter obtenue avec le millésime 2023. Loin de toute approche dogmatique, il a souhaité faire évoluer les méthodes culturales mais aussi de vinifications au gré de ses nombreuses expériences de dégustation chez les copains, en Bourgogne bien sûr, mais aussi en Loire, dans le Jura ou encore dans cette Champagne en plein renouveau qu’il affectionne tout particulièrement. A chaque fois, il trouve davantage de vitalité et d’énergie, de profondeur et d’aspérités dans les vins issus de pratiques biodynamiques. Pragmatique, il décide donc de s’engager dans cette voie.
Aujourd’hui, Pierre-Henri Rougeot s’est clairement fait un prénom. Ses vins occupent une belle place sur les cartes des plus tables d’ici et d’ailleurs : c’est largement mérité. Il signe une gamme de blancs toujours bluffants de précision et d’équilibre, qu’ils soient vinifiés intégralement sans soufre jusqu’à la mise en bouteille (uniquement quand toutes les conditions de pureté et de précision aromatique des jus sont réunies) ou dans leur version dite classique, pour laquelle Pierre-Henri ajoute un peu de soufre, parfois pendant l’élevage et à la mise. Car ici, si le vin est libre, authentique, vivant, on ne perd jamais de vue qu’il doit refléter avant tout son terroir, le vrai goût du fruit et cette vibration particulière d’un lieu.
Nous sommes heureux de vous ouvrir les portes de cette adresse très en vue, dont il deviendra rapidement difficile de se procurer la moindre bouteille tant le succès est déjà au rendez-vous. Le charme et l’élégance au naturel, au cœur de Meursault, sur un millésime 2022 aux équilibres d’école et à la sensualité rayonnante.
C’est maintenant et c’est sur la Route des Blancs.
A noter : nous vous proposons certaines cuvées en version Sans sulfite ajouté et en version Classique (utilisation parcimonieuse du soufre, principalement à la mise). Lorsque l’on goûte les vins dans leur jeunesse, les différences sont infimes. C’est pourquoi, nous avons reproduit les mêmes fiches de dégustation. Notre conseil : pour profiter pleinement de la pureté et de l’éclat du fruit, nous vous invitons à ouvrir les versions Sans sulfite ajouté dans leur jeunesse (idéalement dans les 5 ans). Pour apprécier le vin dans la complexité de son évolution, nous vous proposons de réserver les versons classique à la garde (5 à 10 ans).