Alors qu’il n’a pas encore 50 ans, Jérôme Bretaudeau est devenu, pour beaucoup d’amateurs dont nous sommes, une véritable icône du monde du vin. Alors qu’il a récemment intégré l’Académie des vins de France, au milieu de noms qui l’ont fait rêver dès l’adolescence, et qu’il vient de se voir décerner le titre de vigneron de l’année par la RVF, Jérôme ne vient pourtant pas du sérail : rien ou presque ne le destinait à devenir ce vigneron adulé aujourd’hui aux quatre coins du mondovino. Car ce fils d’agriculteurs-éleveurs a su révéler au monde que les terroirs du pays Nantais pouvaient donner naissance à de très grands vins, aux antipodes de l’image qui a trop longtemps collé aux blancs de Muscadet, réduits à leur statut pas très enviable de « petit ballon à huître »…
Natif de Gétigné, dont il est encore à ce jour le seul vigneron, Jérôme est venu au vin par la dégustation et la lecture. A l’adolescence, il fait d’un livre offert pour ses 15 ans, présentant les 100 plus belles bouteilles du Monde, son livre de chevet. Dès lors, l’histoire du vin, sa diversité, son rayonnement, ses mystères le font rêver. Dès qu’il en a l’occasion, il arpente les vignobles. A commencer par l’incontournable vignoble bordelais. Il suffit de voir ses yeux briller lorsqu’il évoque sa première grande émotion de dégustation autour d’un Haut-Brion 1988…
Jérôme se dirige donc tout naturellement vers une formation viti-oeno, au Landreau, au cœur de la zone d’appellation du Muscadet Sèvre-et-Maine. Mais c’est surtout dans les vignes qu’il va poursuivre son apprentissage et se forger des convictions fortes, qu’il garde encore aujourd’hui chevillées au corps. Pendant 10 ans, il occupe en effet le poste de chef de culture chez un vigneron-pépiniériste, Alain Gaubert, du côté de Vallet. C’est là, sur la vingtaine d’hectares que compte alors cette exploitation, qu’il va apprendre à connaître intimement la fameuse vitis vinifera, à l’observer et la comprendre, à entrer en interaction avec elle. C’est aussi là qu’il prend pleinement conscience de l’identité et la diversité des terroirs du pays Nantais où dominent cependant deux grands types de sol : les gabbro, cette roche magmatique typique de la région, et les granites. Mais on y trouve aussi, pêle-mêle, des quartz, des schistes et micaschistes, des amphibolites et d’autres roches métamorphiques ou magmatiques… Bref, une vraie mosaïque, fascinante aux yeux de Jérôme : il entrevoit déjà l’extraordinaire diversité des possibles qui s’ouvrent devant lui.
Encore faut-il connaître et sélectionner le meilleur matériel végétal, celui qui va pleinement coller à chaque terroir, s’en nourrir pour mieux en retransmettre l’identité dans le vin. Vous l’aurez compris, Jérôme est clairement de ces vignerons qui ont compris que c’est à la vigne que naît un grand vin, et pas ailleurs, et surtout pas dans les manipulations oenologiques en cave. S’il plante ses premières vignes sur quelques parcelles familiales dès 1995 (il fait alors un choix déjà iconoclaste en sélectionnant des pieds de merlot, les premiers plantés dans la région !), c’est à partir de 2001 qu’il entreprend de restructurer son propre petit vignoble en parallèle de son travail de chef de culture : ici, on ne ménage pas ses efforts et Jérôme se retrouve alors à cumuler deux « temps pleins ». Une période « difficile, souvent harassante, mais passionnante », pour reprendre ses mots. Pourtant, en ces temps, le muscadet ne fait rêver personne, la région est même en crise : la surproduction et la faible qualité des vins amènent de nombreux vignerons à arracher leurs vignes. Parfaitement à contre-courant, et convaincu qu’il peut créer ici les grands vins dont il rêve, blancs comme rouges, Jérôme restructure et plante environ 5 hectares de sélections massales patiemment choisies pour leur capacité à s’adapter et à correspondre à chaque terroir.
En 2005, il franchit définitivement le Rubicon pour se consacrer pleinement à sa propre aventure viticole : le domaine de Bellevue est né. Si le melon de Bourgogne, cépage identitaire cultivé dans la région depuis le 17ème siècle, se taille la part du lion, Jérôme poursuit en parallèle une recherche personnelle, créative et parfois iconoclaste du grand vin. Il choisit ainsi d’innover dans l’encépagement de ses parcelles en plantant du chardonnay, puis, en 2015, l’emblématique savagnin jurassien qui va bientôt s’avérer faire des merveilles chez lui. Côté rouge, après le merlot et le cabernet-franc, ce grand amateur de la Bourgogne viticole jette son dévolu sur le pinot noir, qui deviendra, au fil des ans, un des porte-étendards du Domaine à travers la cultissime cuvée Statera, comme « équilibre » en latin.
Au fil des années, le vignoble s’est étendu sur une bonne vingtaine d’hectares, non seulement à Gétigné, là où il construit son chai en 2012, mais aussi sur le cru Gorges et la commune de Vallet, où les gabbros dominent. En 2017, il a ainsi la chance de récupérer un formidable clos de plus de 6 hectares, le Clos des Bouquinardières, dont d’anciens écrits montrent qu’il serait le berceau historique du Melon de Bourgogne dans la région, planté dès le 17ème siècle. Jérôme exploite également des vignes à Clisson, sur des terroirs de granites et de quartz où se plaisent tout particulièrement merlot et pinot. Enfin, il traverse également la Sèvre Nantaise pour s’étendre jusqu’à Cugand, petit commune viticole située côté vendéen cette fois, devenu l’écrin favori des sélections massales de chardonnay et de savagnin du Domaine.
A la vigne comme à la cave, Jérôme conçoit son travail avec la même précision que celui d’un joaillier. Chaque geste est réfléchi, ciselé. Celui qui n’a jamais cessé d’être à la recherche de l’expression la plus pure, authentique et vivante du terroir, adopte tout naturellement les méthodes culturales biologiques, certifiées dès 2009. Avec la même évidence, et pour aller encore plus loin dans ce dialogue qu’il souhaite instaurer entre la vigne, l’homme et son environnement, il va ensuite s’intéresser et appliquer les principes de la biodynamie. Non par dogmatisme, mais bien pour les bienfaits qu’il constate chaque jour sur les plantes, sur la vie des sols et sur cette énergie, cette vibration interne, ce supplément d’âme qu’il trouve dans les vins issus de pratiques biodynamiques. La certification Biodyvin suivra, en 2015.
Vous l’aurez compris, ce qui compte avant tout chez cet homme de la vigne, qui confesse visiter chacune de ses parcelles au moins une fois par jour pendant toute la saison de croissance, c’est de faire naître et accompagner le plus beau et le meilleur raisin, celui qui est parfaitement sain, équilibré et ramassé à son plus parfait point de maturité. Il n’est pas rare qu’ici les vendanges, organisées en mode « commando » avec une précision chirurgicale, s’étalent sur un mois voire plus. C’est le raisin qui commande, et uniquement lui.
A la cave, Jérôme a l’habitude de dire qu’il n’a plus qu’à « laisser faire ». Connaissant son sens aigu de la précision, sa méticulosité, on se doute bien que tout n’est pas si simple. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ici aussi, le fruit et le terroir commandent : aucun intrant œnologique, les raisins sont pressés, encuvés avant que les levures indigènes de chaque parcelle n’entament leur travail. Il n’est pas rare que les fermentations alcooliques s’étirent pratiquement jusqu’à l’été suivant la récolte. Ici, on ne triture pas, on n’accélère pas. Même pour les rouges, on se contente de laisser le fruit infuser, tranquillement, sereinement. En revanche, pour que chaque terroir s’exprime, les vinifications et les élevages parcellaires sont la règle. Les assemblages ne se faisant que peu de temps avant la mise.
Chaque contenant est sélectionné pour sa parfaite adéquation avec le cépage et le terroir d’origine. Si la tradition nantaise des cuves en béton enterrées est respectée pour l’élevage d’une bonne partie de ses Muscadets, à commencer par le Clos des Bouquinardières, Jérôme est également passé maître dans l’art d’utiliser les œufs en béton (pour sa cuvée Gaïa en particulier, avec ce mouvement de vortex que leur forme apporte et qui permet de remettre régulièrement les lies en suspension). Mais aussi les foudres, ovales ou tronconiques, les amphores et les fûts, bien sûr, de toutes tailles. Ici, c’est du sur-mesure, de la haute-couture !
Bref, rien n’est laissé au hasard et l’histoire continue de s’écrire en lettres et en cuvées majuscules. L’entrée au capital du domaine de son ami Mathieu Roland-Billecart (des Champagnes Billecart-Salmon), mais aussi le projet encore en gestation d’un nouveau chai au cœur de son vignoble, conçu avec l’aide précieuse d’une architecte bien connue du monde viticole, Marine Jacques-Leflaive : tout nous montre que l’on prépare ici des lendemains radieux.
Blancs comme rouges, les vins nous enchantent par leurs équilibres. Ils sont à la fois singuliers et pourtant parfaitement ancrés dans leur terroir. Intenses, élégants, toujours animés de cette vibration saline, cette profondeur et cette sapidité qui signent les plus grands, les vins signés Jérôme Bretaudeau ont rejoint le panthéon de nos plus belles émotions oenophiles. Nul doute qu’il en sera de même pour vous. Attention, la demande est mondiale et les disponibilités restreintes : ne tardez pas.
C’est iconique, c’est rare et c’est maintenant, sur la Route des Blancs.
Infatigable tête chercheuse, Jérôme Bretaudeau n’a jamais hésité à bousculer les codes et laisser parler une créativité, une inspiration unique. La preuve avec cet assemblage aussi singulier qu’irrésistible de chardonnay et de savagnin. Un nectar friand et tonique, à la matière ample soutenue par une rayonnante trame acidulée. Superbe.
Voici certainement la cuvée par laquelle Jérôme a totalement chamboulé l’idée même de ce que pouvait être un grand blanc de Muscadet, un vin riche, profond, à l’allonge saline et la vibration tellurique digne des meilleurs crus bourguignons ! Issu de très vieilles vignes, élevé en œuf béton, Gaïa offre une puissance fuselée, une étoffe uniques...
Ce terroir granitique de Clisson donne au vin cette empreinte fumée et cette profondeur épicée remarquables. Elles se mêlent à un panier de fruits frais, entre poire, pêche blanche et ananas, et au souffle frais des herbes anisées à peine coupées, des fleurs blanches et d’une note mentholée. Dense, dynamique, réglissé : il resplendit comme...
Ce terroir historique de Gorges, berceau du melon de Bourgogne depuis le 17ème siècle, donne naissance à l’expression la plus pure, expressive et équilibrée du muscadet sur gabbro, cette roche magmatique typique du pays Nantais. Voici le mariage parfait de la gourmandise et de l’énergie, de la richesse et de la percussion saline. Grand...