La Pierre Gravée : une révélation au coeur de Vouvray

Nous sommes heureux de faire étape aujourd’hui au cœur d’un terroir incontournable pour les amateurs des grandes expressions du chenin ligérien, pas toujours reconnu à sa juste valeur et longtemps un peu « endormi » diront certains : le village de Vouvray. Avec ses premières côtes, ses plateaux calcaires, ses caves troglodytiques creusées dans le tuffeau, Vouvray abrite quelques adresses légendaires mais aussi de nouvelles pépites à dénicher. En voici une, créée par un talentueux néo-vigneron, passionné depuis longtemps par le vin et la vigne, Philippe Guyonnet. Cette adresse, c’est le Domaine de la Pierre Gravée.

Rien ne destinait pourtant Philippe à devenir ce vigneron exigeant dont nous avons découvert récemment le travail, d’une précision digne d’un atelier de haute-couture. Celui qui menait jusque-là une brillante carrière dans le conseil se passionne depuis longtemps pour le vin et la gastronomie. Des années déjà que son temps libre, il le passe à sillonner les vignobles, à rencontrer les vignerons dont les vins le fascinent, à fréquenter assidûment les clubs de dégustation et autres « écoles du vin »…

Le déclic lui vient dans les années 2010, lorsqu’un de ses amis vignerons, Emmanuel Guillot, du Domaine Guillot-Broux dans le Mâconnais, lui propose de se lancer en vinifiant lui-même quelques fûts de chardonnays. Rapidement, le virus le gagne : il trouve avec l’aide d’Emmanuel, quelques parcelles, abandonnées après le phylloxéra, à replanter du côté de Cruzille. Il sort son premier millésime en 2019. Mais une autre rencontre va finalement le faire changer de cap. Grand amoureux de chenin autant que de chardonnay, il s’est lié d’amitié avec Jacky Blot, l’un des plus fervents ambassadeurs des vignobles et des vins de Touraine. Celui-ci le convainc que c’est bien sur les rives de la Loire et avec le chenin que cet amateur exigeant et avisé de grands blancs trouvera sa voie… royale ! Avec son aide précieuse, il va avoir l’opportunité d’acquérir, en 2021, environ 8 hectares de vignes réparties sur de très beaux terroirs, très variés sur le plan géo-pédologique. Ici se mêlent argiles à silex, argiles ferriques, argiles blanches ou brunes, graviers continentaux... Autant de substrats ayant tous en partage le fameux sous-sol de tuffeau, cette craie tendre qui donne aux blancs de Vouvray leur signature unique.

Philippe va s’employer à restructurer progressivement ce vignoble pour se concentrer sur les meilleurs terroirs, avec l’objectif de vinifier de grands chenins secs, dans la lignée de ceux des Blot bien sûr, qu’il admire depuis si longtemps, mais aussi de François Chidaine, ces deux grands noms de Montlouis qui ont su, dès les années 1990, renouveler l’approche et le style des chenins de Touraine. Parmi ses autres inspirations, Philippe cite volontiers Eric Morgat, l’esthète de Savennières dont il loue le sens exceptionnel de  « l’équilibre entre maturité et fraîcheur ». Et, lorsqu’il retourne en Bourgogne, il lui est impensable de ne pas s’arrêter chez Jean-Marc Vincent, le magicien de Santenay, qui parvient, dans chacune de ses cuvées, à trouver « ce dosage subtil entre le raffinement, la précision, la chair et le plaisir ». Avec de telles références, on se doute bien que Philippe ne va rien laisser au hasard et placer d'emblée la barre très haut.

Pour cela, il a la chance d’exploiter un beau patrimoine de vieilles vignes, très majoritairement plantées de sélections massales sur d’excellents secteurs de premières côtes : les plus jeunes pieds ont 35 ans tandis qu’une bonne partie fut plantée dans les années 1950. Philippe va également s’imprégner d’une discrimination parcellaire fine qui lui permet de jouer sur l’apport de chaque terroir pour s’adapter aux nombreux caprices météorologiques, aux variations parfois extrêmes d’un millésime à l’autre. Il exploite certaines parcelles plus riches en argiles, qui garantissent de bonnes réserves hydriques. D’autres, comme son Clos du Petit Mont, offrent un sol très mince, très proche de la roche-mère… Globalement, l’essentiel des vignes se situe dans la petite vallée Coquette, qui a inspiré Balzac pour son « Lys dans la Vallée », derrière le non moins fameux château de Moncontour. Aujourd’hui, dans sa configuration définitive, le vignoble du Domaine de la Pierre Gravée compte environ 12 hectares.

En parallèle, Philippe a réussi à mettre la main sur une vieille cave au cœur du village de Vouvray, de plus de 1500 m2 creusés dans le tuffeau. S’il lui a fallu bien sûr beaucoup de travail pour l’équiper avec tout ce qui lui permet d’être le plus précis possible dans ses vinifications, elle lui garantit des conditions d’élevages absolument parfaites, avec toute la fraîcheur et l’humidité naturelle dont les chenins secs ont besoin. A la cave, Philippe s’est pas mal inspiré du travail des Blot père et fils, tout en poursuivant sa propre quête d’un vin mariant gourmandise, confort et tension. Un vin « comme il aime le boire », tout simplement ! Cet autodidacte revendiqué se nourrit avant tout de ses dégustations et des échanges permanents qu’il a avec des vignerons de Loire, de Bourgogne et d’ailleurs. Résolument empirique, loin de tout dogmatisme, il observe, il essaie, il goûte et fait goûter jusqu’à trouver ce point d’harmonie qu’il recherche.

Quelques principes clés forment cependant les piliers de sa démarche : à la vigne, il se concentre avant tout sur la préservation de la vie et des équilibres des sols, la précision de la taille pour qu’elle mutile le moins possible la plante et préserve les flux de sève, et, surtout, la maîtrise des rendements. Ici, 25 hectolitres par hectare est un maximum ! Une maîtrise qui passe aussi par une sélection rigoureuse de raisins parfaitement sains et mûrs, triés en bout de rang puis, à nouveau, à l’entrée du chai.

En cave, il mise sur la préservation du fruit, de ses qualités aromatiques et ses équilibres naturels, ainsi que sur un temps long d’élevage. Les raisins sont pressés délicatement, avec une très lente montée en pression. Après un débourbage léger, les jus sont entonnés dans des fûts bourguignons de plusieurs vins, pour des fermentations naturelles, par la seule action des levures indigènes : des fermentations souvent lentes dans les caves fraîches de tuffeau. Philippe ne recherche pas les malos, souhaitant rester au plus près du goût du fruit et du lieu qui l’a vu naître. Chacune de ses deux cuvées passe une année sur lies totale en fût, avec très peu de bâtonnage. Une fois soutirées, elles restent en fûts pour au moins un deuxième hiver (et même une année complète pour le rare Momentum) avant d’être mises en masse en cuves. Le vin y passera encore 3 à 4 mois supplémentaires, pour parfaire ses équilibres. Dans le plus grand respect du goût du fruit et du sol, ici, point de collage ni de filtrage. Côté soufre, cet adepte d’une précision chirurgicale à tous les moments clés de la vie du vin, se contente d’une dose de protection à la mise en bouteille.

Au final, il nous livre pour son premier millésime 2022, que nous vous proposons aujourd’hui, une collection courte de 3 cuvées seulement. Des vins racés, profonds, absolument bluffants d’équilibre, d’éclat, de chair savoureuse et fuselée, sans rien perdre de cette trame minérale et vibrante qui fait la signature des grands vouvrays. Une plongée magistrale de maîtrise et de précision au cœur des meilleurs terroirs Vouvrillons. Philippe Guyonnet, quinquagénaire et jeune vigneron, n’a pas fini de faire parler de lui : foncez !

Important : vos vins seront expédiés à partir du 13 octobre 2025

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