Le monde du vin se souvient encore avec émotion de ce jour funeste du 17 juin 2021, lorsque la triste nouvelle est tombée : la disparition brutale de Dominique Belluard, grande figure du vignoble, qui incarnait depuis 30 ans une viticulture de montagne, exigeante, sincère et authentique. A force de conviction et de travail, ce perfectionniste taiseux, amoureux de ses vignes et de « ses » Alpes a placé le petit vignoble d’Ayse et son cépage autochtone, le fascinant gringet, sur la carte des plus grands blancs de France.
Nous voici au cœur de la vallée de l’Arve (entre Chamonix et Genève si l’on schématise), dans un petit îlot viticole où la vigne était déjà présente au 11ème siècle ! C’est à la fin des années 1940 que la famille Belluard s’installe ici, à la recherche de terres propices à la vigne. Longtemps, la polyculture prévaut sur les 10 hectares de la propriété, où les ceps sont entourés de framboisiers, cassissiers et autres arbres fruitiers, qui ont en ces temps-là plus de succès que le raisin… Il faut bien avouer que la vigne, jadis très présente sur ces coteaux abrupts protégés au Nord par le massif de Môle, a perdu beaucoup de terrain tout au long du 20ème siècle : le phylloxéra, les guerres, l’exode rural vers les vallées industrieuses, et pour finir, la pression foncière qui n’a cessé de croître dans la région… alors que l’on comptait plus de 300 hectares de vignes au 19ème siècle, il n’en restait même pas une vingtaine dans les années 1980.
Pourtant, après des études viti-œnologiques à Beaune, le jeune Dominique décide à cette époque de revenir s’installer à Ayse, guidé par l’intuition qu’il y a dans ce micro-vignoble toutes les conditions réunies pour produire de grands blancs. D’abord, la qualité et la diversité de ce terroir alpin, où se mêlent éboulis calcaires, marnes jaunes issues de moraines glaciaires ou encore argiles rouges riches en alumine de fer. En outre, l’exposition au Sud de la quasi-totalité des coteaux exploités par les Belluard, sur les flancs du massif du Môle, protège les vignes du vent du Nord.
Mais il y a surtout une singularité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde : la présence du gringet, ce cépage blanc endémique absolument unique, déjà connu dans l’Antiquité, dont il ne reste aujourd’hui qu’une vingtaine d’hectares, dont la moitié chez Belluard ! Dès lors, Dominique va consacrer sa vie, avec une énergie, une exigence et une opiniâtreté phénoménales à donner au gringet d’Ayse ses lettres de noblesse. Bien sûr, il y aura des phases de doutes et de tâtonnement. Au début des années 1990, il applique une viticulture très technique, apprise à l’école : mais cela ne le satisfait pas, il se rend compte que la course aux rendements ne mène à rien de bon et trouve ses vins trop « austères », manquant d’âme.
Et puis, il y a ce déclic en 1995 : la rencontre avec François Bouchet puis Pierre Masson et les principes de la bio-dynamie ! Ceux-ci agissent chez Dominique comme une véritable révélation : l’évidence que son travail doit avant tout être guidé par le respect des cycles du vivant, de cette osmose entre le végétal, l’animal et le minéral, car c’est elle qui fait la vie et l’identité du sol et qui donne à la plante son énergie vitale. A partir de là, il n’aura de cesse de chercher la meilleure façon d’accompagner la vigne pour qu’elle exprime dans son fruit et dans le vin toute la force et l’énergie de son terroir.
La méticulosité et la qualité du travail cultural effectué par Dominique ont fait l’admiration de ses pairs, surtout quand on connaît les conditions extrêmement difficiles que ce vignoble impose, entre déclivité vertigineuse (qui interdit toute mécanisation) et rigueur hivernale. Ils étaient peu nombreux à y croire, à une époque où la plupart des vignerons préféraient user, voire abuser, des désherbants et autres pesticides… Malgré le succès et l’admiration dont il était l’objet, de la part de toute une génération de vignerons qu’il a guidé vers une plus grande proximité avec la nature, Dominique est resté, toute sa vie, habité par le doute : la crainte de ne pas être à la hauteur de l’enjeu, de se laisser dépasser par cette nature indomptable. Mais aussi la peur de décevoir celles et ceux qui croyaient en lui. Jusqu’à la fin, loin de se reposer sur ses lauriers, on le savait préoccupé par ce millésime 2020 où les jus s’étaient montrés quelque peu capricieux au moment des fermentations. Puis l’impensable s’est produit et Dominique s’en est allé.
Encore sous le choc, son épouse Valérie a trouvé le courage pour ne pas renoncer et décider de poursuivre l’œuvre de son mari en finalisant ce millésime 2020. Mais comment donner une trajectoire à ses vins encore en gestation lorsque l’on a toujours fait confiance à ce mari solitaire et taiseux, qui déléguait finalement assez peu. Elle décide alors de se tourner vers l’ami de toujours, le jurassien Jean-François Ganevat. N’écoutant que sa générosité et son amour du vin, Jean-François se rend immédiatement au chevet de ces fûts et cuves de gringet dont il va patiemment écouter et s’approprier les messages, peaufinant ainsi le travail entamé par Dominique.
A l’heure de la reprise du Domaine par le jeune et talentueux Vincent Ruiz, formé chez Franck Balthazar, et avant de découvrir les futures cuvées du tout nouveau « Domaine du Gringet », nous vous proposons aujourd’hui, en avant-première, les tout derniers vins initiés par le regretté Dominique Belluard. On retrouve ainsi une nouvelle (et dernière) édition de la cuvée Eponyme : Eponyme Mise tardive. Pour cette sélection parcellaire, Jean-François Ganevat avait décidé d’isoler certains fûts, majoritairement issus des terroirs d’éboulis calcaires (du secteur Vers Etraz) et d’en prolonger l’élevage pendant près de deux ans. Mais ce n’est pas tout : nous vous proposons aujourd’hui deux autres joyaux qui constituent le plus bel hommage que l’on puisse rendre au parcours exceptionnel de Dominique. Sa fameuse bulle de gringet « Les Perles du Mont-Blanc » sur son tout dernier millésime, le 2019, et un iconique « Monsieur Gringet » 2020, élaboré à partir des vignes de coteaux du Domaine, mêlant sols de marnes, d’aboulis calcaires et d’argiles rouges, dont la légendaire parcelle Le Feu.
Une page se tourne aujourd’hui : avec ces 3 dernières cuvées, magnifique hommage au travail du véritable « Monsieur Gringet », Dominique Belluard, nous souhaitons également la bienvenue à Vincent Ruiz, repreneur du Domaine, qui a désormais la la lourde tâche de continuer à faire rayonner le gringet parmi les grands vins du pays, à la suite de son illustre prédécesseur.
Cette cuvée collector fait la part belle au terroir iconique Le Feu, avec ses marnes et ses argiles rouges. Le vin séduit par sa touchante naturalité. Vif, frais et vibrant, il se déploie par strate, porté par la générosité des fruits blancs, la vivacité d'une matière incisive et une empreinte caillouteuse salivante. Chapeau bas, Monsieur Gringet !
Pour cette sélection parcellaire, Jean-François Ganevat avait décidé d’isoler certains fûts, majoritairement issus des terroirs d’éboulis calcaires et d’en prolonger l’élevage pendant deux ans. On est conquis par cette "Mise tardive", par ce jus plein d’énergie souterraine, par la belle naturalité de ce vin de passion et de poésie
La bulle 100% gringet était une grande spécialité de Dominique, renouant avec une vieille tradition d’Ayse. Cette récolte 2019 est la dernière qu’il a vinifiée. Elle nous livre un bouquet généreux, singulier, autour du coing, de la pomme, des fruits à noyau et des agrumes confits, de la fraîcheur des herbes de montagne et des épices. Emotion garantie
La bulle de gringet était une spécialité de Dominique, renouant avec une vieille tradition d’Ayse. Cette édition 2017 est la dernière sur laquelle il aura veillé jusqu’au bout. Elle nous livre un bouquet généreux et gourmand, autour du coing, des fruits à noyau, de l’ananas et des agrumes, de la fraîcheur chlorophyllienne et d'épices subtiles. Un...
Ce Gringet assemblant les raisins des terroirs des Alpes et du Feu fut peaufiné puis assemblé par Jean-François Ganevat, l'ami de toujours, après la disparition brutale de Dominique. Un vin pur et naturel, à l'aromatique complexe et nuancée, doté d'une prodigieuse énergie en bouche. On ne pouvait rêver plus bel hommage. Collector.
Cette cuvée confidentielle met à l'honneur l'altesse, autre cépage savoyard emblématique, pour laquelle Dominique a choisi de jouer la carte de la macération. Le résultat est exceptionnel de densité et d’équilibre entre fruité jaillissant, douceur florale, sensualité miellée, tonicité des agrumes et épices. C’est superbe mais très rare!
la cuvée Les Alpes impressionne par sa densité et la superbe maturité du fruit, sur la poire, la prune et la pomme compotée. Plus le vin s’aère, plus il révèle sa complexité aromatique entre une dimension lactique, la tonicité des écorces d’agrumes, des évocations terriennes et une brassée de fleurs des champs. Un gringet plein et réconfortant !
"Le Feu est au gringet ce que le Rangen est au riesling ou l'Hermitage à la marsanne" : voici comment Dominique lui-même qualifie son parcellaire Le Feu. Un vin d'une densité hors du commun, vibrant et profondément ancré dans son terroir de montagne, avec la fraîcheur et la sensation de pureté qui va avec. Un grand blanc pour la table.
La bulle 100% gringet est une grande spécialité de Dominique qui renoue ainsi avec la plus pure tradition d’Ayse. Ce pétillant nous livre un bouquet généreux, entre chèvrefeuille, amande, pomme Granny, poire, pamplemousse et une touche d’ananas. Finesse de bulle, matière dense et élastique, finale minérale avec de fins amers : imparable.
Après une bonne aération, ce gringet « Les Alpes » se livre dans une aromatique précise associant la prune jaune, la poire, les écorces d’agrumes, avec des notes minérales de pierre humide, une dimension végétale complexe, entre tubercules, herbes fraîches (verveine, coriandre), violette, gentiane et une touche de cire. Complet et irrésistible.
Le parcellaire Le Feu constitue l’expression la plus complexe et aboutie que l’on puisse rêver pour ce singulier gringet : une myriade de fleurs au nez, un fruit mûr sur le coing et la prune, une touche racinaire, une autre crayeuse, le vin se montre à la fois dense et fraîchement acidulé, avec une persistance remarquable. Indispensable.