Domaine de Trévallon


Fils d’un couple d’artistes célèbres, peintre et sculpteur côté paternel, tapissière d’art côté maternel, amis de Picasso, Delaunay et autre Léger, Eloi Dürrbach se destinait à devenir architecte. Mais très vite, comprenant que ce métier ne lui permettra pas d’assouvir pleinement sa soif de liberté, Eloi décide de se lancer dans un pari fou : faire du vin, dans ces terres familiales achetées par ses parents dans les Alpilles, des terres totalement sauvages, extrêmement rocailleuses, où blocs de calcaires et marnes bleues se sont accumulés au fil de l’érosion du massif, où rien ne pousse à part le thym sauvage et quelques autres petites plantes de garrigue…


C’était en 1973, point de départ d’une période de travaux titanesques qui ont pour ambition d’intégrer la vigne dans ce paysage grandiose mais hostile : des années passées à casser les rochers à la masse, à modifier la pente de la colline afin de littéralement sculpter quelques parcelles au milieu des bois de chêne vert et des trois vallons. Autodidacte, dégustateur hors-pair et grand lecteur, c’est aussi dans les livres qu’Eloi va trouver quelques clés de ce qui a fait son originalité et son succès, en particulier dans la somme du Docteur Jules Guyot, étudiant les vignobles de France à la fin du 19ème siècle.


C’est ainsi qu’Eloi décide d’associer massivement le cabernet-sauvignon (largement représenté en Provence avant la crise phylloxérique mais totalement oublié depuis) à la traditionnelle syrah. Plus tard, lorsqu’il crée son blanc au début des années 1990, il n’hésitera pas à faire la part belle aux cépages rhodaniens roussanne et marsanne, et, plus surprenant encore dans ces contrées méridionales, à leur associer du chardonnay…


L’appellation Baux de Provence ne veut pas de lui (pour de sombres raisons d’encépagement) alors qu’il a largement contribué à sa reconnaissance ? Peu importe ! Il en faut plus pour arrêter ce vigneron littéralement habité par sa vigne et ce sens intuitif et empirique du bon et grand vin. Encensé dès ses premiers millésimes à la fin des années 1970 par des gens aussi influents qu’Aubert de Villaine, l’importateur californien Kermit Lynch ou encore Robert Parker, Eloi Dürrbach, qui passe aujourd’hui progressivement la main à ses enfants Ostiane et Antoine, a hissé Trévallon au rang des grandes légendes du vin.


Notre dernière dégustation au Domaine, en décembre dernier, nous a laissé un souvenir encore ému : on trouve dans les vins une ampleur et une sophistication, une chair et une distinction rarissimes. Un pur moment de grâce.


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