Vendanges 2015 : en route pour un grand millésime...

Vendanges 2015 : en route pour un grand millésime...

En Alsace, malgré une récolte un peu réduite en volume (suite à la sécheresse estivale), les sourires sont au rendez-vous : le niveau de maturité des raisins est presque parfait, les qualités aromatiques très bien préservées. « Même si l’acidité est un peu basse, la qualité des baies est exceptionnelle » selon Marc Tempé, du Domaine éponyme, « bien sûr, on aurait aimé un peu plus de quantité…mais, une vendange comme ça, je veux bien en reprendre pour 10 ans ! ».

Du côté de la Côte de Beaune, en Bourgogne, le 18 Août, François Mikulski fait un tour de ses vignes, réfractomètre à la main, pour y trouver un potentiel alcoolique de  10°. Le 22 août, évaluation du niveau d’acidité : pour le moment tout  va bien. Le 29 août, quelques rangs dans les Poruzots sont coupés, les rouges ne sont pas encore mûrs. Le mot d’ordre est à un démarrage le 4 septembre du côté de Volnay. A partir du 2 septembre, suite des blancs. Le 8, tous les raisins ont été rentrés en chais, vendanges terminées, satisfaction au Domaine.

« On a de très beaux tartriques... Enfin, on a pu faire des vendanges dans le calme. Les rendements sont raisonnables pour les rouges, assez bons dans les blancs. Les parcelles qui ont souffert de la grêle ces dernières années ont été un peu à la peine. Mais globalement, le fruit est très beau. Du bonheur dans l’ensemble...» Anne Morey, du Domaine Pierre et Anne Morey à Meursault, semble avoir le sourire après des récoltes 2013 et 2014 largement amputées par des phénomènes météos très violents.

Jean-Baptiste Bachelet, du Domaine Jean-Claude Bachelet et Fils, à Saint-Aubin, confirme cette bonne impression : « Presque 25 hectolitres dans les rouges, récolte un peu faible mais sans doute parmi les plus beaux raisins  jamais vus par ici. Pour les blancs, il ne manque que cinq pièces à l’appel sur un potentiel de 145, on serait vraiment mal venus de nous plaindre, d’autant plus que les raisins sont magnifiques. Les équilibres sont très bons, des degrés naturels autour de 12,8, il y a suffisamment d’acidité, ça devrait faire un très beau millésime ».

Une ombre au tableau malheureusement, dans le chablisien. Peu de temps avant les vendanges, le 31 août, de violents orages de grêle  se sont abattus sur Chablis, mettant à mal de nombreuses parcelles de premiers crus (Montmains, Montée de Tonnerre, Buteaux), mais aussi de grands crus (Les Clos). Nathalie Fèvre (du Domaine Nathalie et Gille Fèvre), tout comme Guillaume Michel auparavant (du Domaine Louis Michel & Fils) nous confirme que « par endroits, on a l’impression que c’est une moissonneuse-batteuse qui a fait les vendanges”.

Ajoutons, au rayon des dégâts causés par une mauvaise météo, des épisodes de grêle sur les Corbières et dans le vignoble d’Irouléguy.

Dans la Loire, les nouvelles sont bonnes. « On a tout vendangé entre le 25 et le 30 septembre, tout est d’un très bon niveau, équilibre et matière. Pour les vins tranquilles, les niveaux d’alcool potentiel varient entre 12,8 et 14,5, les acidités étant comprises entre 5.2 et 6, sur le papier ce sont des équilibres qui rappellent les grands millésimes » déclare Philippe Brisebarre, vigneron à Vouvray, et Président du Comité régional de l’INAO. Seul bémol, « la production espérée n’est pas au rendez-vous, rien de tragique, mais une vendange si belle aurait pu avoir la bonté d’âme supplémentaire d’en faire un petit peu plus ». 

En Sancerre, Stéphane Riffault, du Domaine Claude Riffault nous fait ce compte-rendu fort encourageant sur la qualité probable du millésime 2015 : « Nous avons vendangé du jeudi 10 au mercredi 23 septembre sous un ciel clément excepté 2 après-midi pluvieux. Avec les dates de floraison, nous pensions commencer vers le 15-20 mais les pluies d'août ont permis un déblocage de la maturité et une mise en jus rapide des raisins. L'état sanitaire du millésime est excellent et le niveau en sucres assez élevé (220-230 g/l), les acidités sont un peu plus basses qu'en 2013 et 2014. Les pH restent assez bas grâce au bon niveau d'acide tartrique alors que l'acide malique s'est beaucoup dégradé pendant la maturation, sous l’effet de la chaleur.  Grâce à ces beaux raisins, les bourbes sont fines et vont permettre un élevage sur lies confortable. La qualité aromatique des jus est bonne, beaucoup de densité en bouche, longueur un peu moins traçante qu'en 2013 et 2014. Après une phase pré-fermentaire de quelques jours, les fermentations alcooliques sont en cours ou sur la fin. Les premiers jus récoltés sont secs et présentent un bon équilibre. Il était primordial de bien sélectionner les jus et de limiter la pression de pressurage. Cette année, au-delà de 1 bar de pression, les jus extraits étaient peu acides, sans intérêt, et assez sensibles à l'air. L'élevage va se poursuivre en cuves, foudres, demi-muids et cigares mais il y aura très probablement moins de bâtonnages sur ce millésime pour garder une certaine longueur et ne pas tomber dans la chaleur lourde de l'alcool.
Chez nous, ce millésime 2015 peut se qualifier d'intense, il est prometteur sur le plan qualitatif, moins quantitatif à cause d'une floraison moyenne, reste maintenant à soigner les élevages ». 

Dans le Rhône et le Sud-Est, des vendanges précoces et de très beaux raisins.

Du côté du Rhône Nord, la chaleur et l’ensoleillement estival ont poussé les vignerons à vendanger précocement, en particulier du côté de Condrieu et d’Hermitage. Christelle Betton, du Domaine Betton, nous confirme « que beaucoup de vignerons ont vendangé très tôt en août, pour conserver une certaine fraîcheur, et éviter d’avoir des degrés trop élevés ». La vigneronne anticipe cependant des vins « charnus, longs et complexes », avec dans certaines appellations, comme le Saint-Péray, « une minéralité qui devrait être intéressante ».

Plus au Sud, au Domaine La Millière à Courthezon, Michel Arnaud a vendangé plus tard, et pourtant, ce n’est pas un adepte de la sur-maturité. Mais ici, le Mistral a soufllé tout l’été et a contribué à ralentir la maturation. Dans les vignes qui produisent son Châteauneuf-du-Pape blanc, il a attaqué le 18 septembre par les grenaches blancs, la clairette et la roussanne, pour finir le 26 septembre pour les bourboulencs. Sur un vignoble âgé d'une dizaine d'années et conduit en viticulture bio, le rendement est correct, autour de 28hl/ha. Côté qualité de la vendange, le Domaine est très satisfait : « très beaux raisins sains, belle maturité et fruit très démonstratif ! A ce jour, en cuve, les arômes de fleurs blanches dominent, avec des notes d'agrumes en demi-teinte ».

De son côté, dans le Vaucluse, Serge Férigoule du Domaine Sang des Cailloux, affiche une mine enjouée. Cette  année encore, il a ramassé bien avant le gros des troupes : les blancs issus de viognier ainsi que les roussanne et marsanne sur sable ont  été vendangés dès le 21 août, les rouges à partir du 26. Cette année, Serge estime « qu’il y a un danger latent de sur-maturité ou de lourdeur chez ceux qui ont un peu trop tardé à vendanger (…) le risque de se retrouver avec des titrages énormes est bien réel ». A surveiller…

Pour terminer ce tour de France des vignobles, arrêtons-nous un instant du côté des blancs du Bordelais. Carbonnieux démarrait ses blancs le 27, Haut-Brion le lendemain, Latour-Martillac le 31. En concluant à partir d’un recoupement d’informations concordantes, il semble que les sauvignons blancs soient d’excellente facture, avec des acidités tout à fait correctes.  La situation serait un peu moins favorable du côté des sémillons, où le risque d’obtenir des vins un peu trop ventrus est réel. La menace du mildiou en mai a  pu être maîtrisée grâce à des mois de juin et de juillet particulièrement secs, les pluies d’août ayant bénéficié aux vignes du Sud-Ouest, qui réclamaient un peu d’eau pour étancher leur soif.

En conclusion, le millésime référentiel qui nous vient à l’esprit pourrait être 2009, avec un peu moins de volume cette année, mais une qualité de matière et de fruit comparables. Il est bien sûr trop tôt pour affirmer quoi que ce soit sur les vins à venir du millésime 2015, nous attendrons la première dégustation qui se présente,  celle des Hospices de Beaune à la mi-novembre, où nous aurons un aperçu significatif de ce qui a pu se passer en Bourgogne. A suivre dans nos prochains carnets de route…

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