Comprendre le millésime 2013 en Bourgogne

Comprendre le millésime 2013 en Bourgogne

 25 juin, la population Française n’avait toujours pas quitté le pullover, la pardessus et même, certains jours, le manteau. La mauvaise plaisanterie durait depuis le mois de novembre de l’année précédente. En plein réchauffement climatique, 2013 faisait figure de "petite ère glacière". On oublie, c’est normal, mais tout le monde n'avait pas le sourire...

Pour vous “rafraîchir” la mémoire, quelques piqûres de rappel : 450 millimètres de pluie à Nice entre fin mars et fin mai (c’est ce qu’il est tombé sur l’Aquitaine au cours des dix premiers mois de 2010), 3,7° celsius à 5H00 du matin le 24 mai 2013 à Paris (soi-disant en mai, fais ce qu’il te plaît)...

En Côte d’Or, on compte moins de trois heures d’ensoleillement quotidien moyen du 1er janvier au 30 juin 2013, des vignes frigorifiées, une difficulté extrême à y travailler tant les sols sont détrempés par le nombre incalculable d’averses essuyées en quelques mois.

Evidemment la sortie de fleur de vigne se passe mal, qualité en danger et maintenant... quantité en danger.

Pour couronner le tout, le millésime subit de plein fouet la grêle sur Volnay, Beaune et Pommard, un peu sur Meursault. Cette fois-ci, ajoutons Savigny-les-Beaune, Pernand-Vergelesses et Aloxe-Corton plus au nord, villages qui avaient été épargnés en 2012. C’était le 24 juillet. En 2014, par un acharnement du sort invraisemblable, Volnay, Pommard et Beaune seront à nouveau gravement mutilés par l’épisode de grêle du 29 Juin.

Pendant ce temps là, rien ou presque à souligner en Côtes de Nuits où certes, les rendements de 2012 et de 2013 sont un peu plus faibles que pour une année “pleine”, mais 2014, malgré un petit épisode de grêle, aura été une année largement généreuse, qui est venue compenser ce qui manquait à ses deux aînées. Notons pour les rouges de 2013, une certaine difficulté du passage de la fleur, qui sera peut-être  un mal pour un bien au jour de la vendange. En effet, si les quantités sur pied avaient été plus importantes, il y a fort à parier que les pinots de Vosne-Romanée ou de Gevrey-Chambertin n’auraient sans doute jamais atteint la maturité.

Comme il est arrivé et arrivera de nouveau, nous avons donc en face de nous un millésime difficile. Ceux qui traitent ont largement traité, résultat, beaucoup de souffre dans les vignes et beaucoup de souffre dans les vins. Ceux qui n’ont pas traité n’ont que peu de vin voire, dans certains cas, rien du tout. Dilemme épouvantable comme on voit, car pour certains, s’il n’y avait pas eu de vendange, c’était la vente forcée du Domaine à la clef...

Les vins sont donc souvent réduits, fermés, austères et sérieux. Le contraire de la réduction s’appelant l’oxydation, si vous voulez goûter une bouteille dès maintenant, c’est ce qu’il va vous falloir faire, oxyder le vin, et pas qu’un peu. Suivant le niveau des vins, 1 à 3 heures de carafe nous paraissent  incompressibles. Difficile, dans ces conditions, de s’offrir un Bourgogne blanc 2013 au restaurant... A la maison, passée la bouteille ouverte par curiosité ou par impatience, la suivante attendra aussi longtemps que vous êtes capable de tenir. 

C’est un peu moins vrai à mesure qu’on quitte le finage de Meursault vers ceux de Puligny, Chassagne ou Saint-Aubin, mais là aussi, ça reste un millésime où vous avez tout à gagner de la garde. Pour le Mâconnais ou le Chablisien, même si c’est à un niveau moindre, c’est encore la même chanson.

Il est très difficile de faire une comparaison avec des millésimes passés mais on pourrait dire que 2013 présente certains points de ressemblance avec les 1988 et les 2007. 1988 est froid et humide de la deuxième partie du printemps jusqu’à la fin juillet, 2007 devient froid et humide après un début de printemps chaud, la fin du cycle est, pour le moins, chaotique. Là où la comparaison devient plus pertinente réside dans l’esprit du vin, ces millésimes plutôt froids ayant produit des vins cérébraux, acides, tendus, voir agressifs ici ou là. Les 2007 étant dans l’ensemble plus aboutis que les 2013, notez que les vins atteignent maintenant leur équilibre, le fruit a grandi, l’acidité, excessive au départ, rentre progressivement dans le rang, l’alcool, qui n’a jamais été, et pour cause, un élément problématique dans l’équilibre, se fond désormais harmonieusement dans l’ensemble. 

Ne désespérez pas mais soyez patients : la patience qu’impose 2013 sera au moins égale à celle dont il aura fallu faire preuve avec le 2007!

Au delà des analogies ou des différences, pour le véritable amateur, un millésime a une fonction spécifique, c’est une arme dont il faut savoir se servir.  Il ne nous viendrait pas à l’esprit de proposer un 2007, pas plus qu’un 1996 d’ailleurs, malgré les presque 20 ans de bouteille, pour accompagner une viande blanche. La précision, la verticalité, la minéralité, la tension, tous attributs portés par l’acidité, invitent en effet à éviter le gras, l’opulent, le plat chargé, au profit de la finesse des chairs, la légèreté des accompagnements. Il en sera de même pour le millésime 2013 avec lequel il faudra manger froid pendant longtemps (poissons crus, fruits de mer, terrines froides), puis fin et précis, jusqu’à ce que le volume du fruit remonte.

Pour éclairer encore davantage l'évolution probable de ces vins, on pourrait se servir d’une analogie générale, fondée sur le mode de fonctionnement des vins du Chablisien. Marqués par l’iode, la salinité, la mer et une certaine agressivité dans leur prime enfance, l’évolution des vins libère le beurre frais et les fruits blancs présents dès le départ, mais emprisonnés dans la coquille d’huître si puissante de son sol, puis le vin acquière du gras avec la phase plus miellée et encaustique si caractéristique de l’évolution des vins de cet immense terroir.

Petit-Chablis, Chablis, Mâcon et certains Mâcon-villages, pas avant 2016. Pouilly-Fuissé et grands villages du Mâconnais, Marsannay blanc, certains Chablis premiers crus, Saint-Romain et Saint-Aubin villages, pas avant 2018. Pernand-Vergelesses, Savigny-les-Beaune, Beaune blanc, vers 2018-2020. Meursault, Chassagne, Puligny, Saint-Aubin premiers crus, Pernand ou Savigny premiers crus, grands premiers crus de Chablis, Fourchaume, Mont-de-Milieu, Forêt, Montée de Tonnerre, à partir de 2020. Premiers crus prestigieux, pas avant 2022-2025.

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