Sauternes, Barsac et Cérons

Sur la rive gauche de la Garonne se trouvent parmi les plus belles pépites du vignoble bordelais, les grands vins liquoreux de Barsac, Sauternes et Cérons.

En dire des merveilles, raconter de belles histoires, s’attarder sur leur longévité proprement fabuleuse n’en fera pas vendre une bouteille de plus, las, mille fois hélas, mais nous sommes tous responsables. Pourtant, il suffit d’en ouvrir une bouteille et entendre tous ces gens qui disent “Ah non, pas de vin sucré”, dire, d’un seul coup “Ah non, ça c’est autre chose, ça c’est vraiment superbe, compliqué, étincelant”.

La rive gauche de la Garonne compte donc 3 AOC produisant des vins blancs liquoreux, dont 2 de façon exclusive : l’appellation Sauternes, sur plus de 1 600 hectares de vignes et quelques châteaux mythiques (comme Château d’Yquem bien sûr), et l’appellation Barsac, avec environ 600 hectares plantés et dix crus classés en 1855, dont deux premiers crus classés, les Châteaux Coutet et Climens. Enfin, l’appellation Cérons, nettement plus petite, avec ses 95 hectares, complète le trio magique. En Cérons, on peut également produire des rouges et des blancs secs, l’appellation se transformant ici, par un coup de baguette magique, en Graves.

Pour les blancs, les cépages utilisés sont les mêmes que sur les terroirs de l’autre rive, le trio sémillon, sauvignon et muscadelle. L’appellation Sauternes est constituée de quantité de sols différents et les vignes bénéficient d’une grande variété d’expositions. Sur un sous-sol argileux, et parfois calcaire, on trouve alternativement des sols argileux, des sols calcaires ou des sols de graves. Sur ces terroirs, pas moins de seize crus classés, des noms que tous les amateurs connaissent, Rieussec ou Lafaurie-Peyraguey, Suduirant ou La Tour Blanche.

A Barsac, l’ensemble géologique est plus homogène, on est sur un plateau calcaire à astéries recouvert d’une couche pouvant atteindre 60 centimètres, d’un mélange argilo-sableux, c’est le Haut-Barsac. Le sous-sol calcaire est très fissuré et il permet aux vignes de descendre très bas à la recherche d’humidité et de remonter la complexité minérale de la roche jusqu’au raisin. Des racines à dix mètres de profondeur y sont courantes et c’est sur cette partie dominante du terroir que se trouve l’ensemble des crus classés.

A noter deux ou trois détails amusants : les vins de Barsac peuvent s’appeler Barsac-Sauternes, mais l’inverse n’est pas vrai. L’appellation Barsac n’a pas le droit d’utiliser la muscadelle, les Sauternes oui.

Le maître des lieux, celui par qui le miracle de la botrytisation arrive, s’appelle le Ciron, petite rivière venue des Landes, pour finir sa course dans la Garonne. Elément fondamental du terroir, à l’approche de l’automne, la combinaison de l’humidité dégagée par le cours d’eau, combinée à l’ensoleillement et la douceur de l’arrière-saison dans cette région, permet le développement d’une pourriture noble, dorée, d’un champignon qui permet la concentration des baies, le botrytis cinerea. Signalons tout de même que ce bonheur est loin d’être univoque, en effet, qui dit pourriture noble dit rendements faibles, voire très faibles…et coût élevé. Le plus célèbre château du Sauternais a d’ailleurs longtemps communiqué sur le fameux “un verre par pied de vigne”.

Au final, les grands liquoreux de la Rive gauche impressionnent par leur puissance aromatique et leur extraordinaire potentiel de garde et d’évolution. De nombreux sommeliers affirment que l’on peut trouver jusqu’à 50 arômes et parfums dans un grand Sauternes. Citons le miel et la cire, l’acacia, le chèvrefeuille, la mangue, l’ananas, les fruits secs, la vanille… et bien d’autres encore.

Des grands vins de gastronomie.

Même si les grands liquoreux de la rive gauche ne sont peut-être pas très à la mode en ce moment (le caractère « sucré » fait peu à certains amateurs), l’expérience d’un repas entier avec une personne chère et une grande bouteille de liquoreux est un moment exceptionnel qu’il faut absolument vivre.

Démarrez avec deux ou trois huîtres accompagnées d’une saucisse ou d’un boudin blanc, poursuivez avec des coquilles Saint-Jacques rôties, très légèrement safranées sur un lit de cèpes, un bon Bleu des Causses suivi d’une boule de sorbet de poire et d’une autre de sorbet citron, rien de plus simple, bonheur garanti.

Si vous manquez d’expérience, pour vous approcher de ces vins, choisissez un millésime frais avec de l’acidité, il y en a beaucoup, 1986, 1988, 1996, 2002, 2008. Plus énergiques, plus précis, ils se marient mieux avec une gastronomie plus moderne que les vins issus de millésimes chargés, plus difficiles à manier et qu’il faut impérativement faire vieillir longtemps.

Les accords avec le homard rôti avec de multiples sauces, la blanquette de veau, les poulardes ou poulets de Bresse, les champignons (morilles, cèpes), les ris de veau, les coquilles Saint Jacques, les poissons fumés, les fromages de vache coulants et savoureux, les quenelles, la fameuse tourte au canard du grand chef Bernard Pacaud (L’Ambroisie à Paris), les huîtres froides ou chaudes, sans parler du foie gras ni évoquer le moindre dessert, il suffit de se laisser guider…

Alors que choisir entre un Barsac et un Sauternes ?... Le Barsac est peut-être plus délicat, aérien, raffiné, le Sauternes plus dense, musclé, terrien. Le Barsac est stylé, décoratif, bien élevé, finalement plus yin, le Sauternes est sérieux, hiératique, massif, finalement plus yang.

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